ABC Compétences

13 février 2011

Sur quoi se basent les rémunérations ?

Magazines et sites de recrutement nous livrent régulièrement les résultats de leurs enquêtes, comme L'Expansion ("Spécial salaire des cadres"), l'APEC ("Les salaires par fonction"), ou Le Journal du Net ("Les salaires des cadres"). Si certaines rémunérations semblent justifiées dans leur montant, il arrive que dans certains cas elles semblent défier le bon sens.  On cherche en vain une logique dans le montant du salaire : dépend-il de la durée des études ? de l'importance des responsabilités ? du nombre de subordonnés ? de la difficulté des missions ? des désagréments ou des dangers du métier exercé ? de la rareté des compétences exigées ? Aucun de ces critères ne semble fournir à lui seul une justification rationnelle ou linéaire du montant du salaire proposé. Alors, sur quoi se basent les calculs de rémunérations ?




Dans les très grandes entreprises, il existe une personne dont le métier est précisément de calculer quel doit être le salaire (compensation, en anglais) de chaque salarié, ainsi que les avantages (benefits) dont il doit bénéficier, d'où le nom de Compensation and Benefits Manager, plus complet que "responsable des rémunérations", donné à ce poste. Son rôle est de définir, ou du moins de préconiser, ce que doivent être salaire et avantages, en fonction du poste, mais aussi de la zone géographique (pays, région), de la taille de l'entreprise, de son secteur d'activité, des conventions collectives en vigueur, et aussi du titulaire du poste lui-même (diplôme, expérience, ancienneté, etc).

A noter, que dans certaines organisations, la rémunération dépend uniquement du profil de poste, dans d'autres elle dépend uniquement du profil du titulaire, mais le plus souvent elle tient compte des deux groupes de paramètres. Pour déterminer les rémunérations, les entreprises peuvent échanger entre elles des informations sur les salaires correspondant à tel ou tel type de poste, occupé par tel ou tel profil de personne. Ce qui ne les empêche pas, notamment en France, de garder ces informations jalousement secrètes vis-à-vis des candidats. A noter, qu'il s'agit là d'une particularité culturelle que rien ne justifie. A titre de comparaison, recherchez par exemple les offres de "chef de produit" sur cadremploi.fr, et lisez les 10 premières : le salaire ne sera presque jamais mentionné. A présent, recherchez les offres de "product manager" sur totaljobs.com (un site anglais) : dès la page de résultats, les salaires sont précisés dans la majorité des cas...

Pourtant, même quand les fourchettes de salaire sont connues, quelle est leur logique sous-jacente ? La rémunération n'est pas liée à la durée des études, sinon un Docteur en Sociologie (bac + 8) gagnerait beaucoup plus qu'un BTS en Action Commerciale (bac + 2). Elle n'est pas non plus liée au niveau de responsabilités, sinon un chirurgien ou un pilote d'avion de ligne seraient bien mieux payés qu'un footballeur ou qu'une actrice célèbre. Il semblerait qu'en fait, la plupart du temps, on gagne d'autant plus d'argent que l'on peut en faire gagner, par nos actions et nos décisions, à celui qui nous paie.

C'est pour cette raison que Julia Roberts gagne des millions de dollars chaque fois qu'elle tourne dans un film, parce qu'elle est bankable, c'est-à-dire qu'elle va attirer les foules, et donc enrichir le producteur. Un bon joueur de foot peut gagner plusieurs centaines de milliers d'euros par mois pour les mêmes raisons. De même, un directeur commercial gagnera en général plus qu'un directeur technique. Ou un présentateur de télé-réalité qu'un professeur de philosophie, même si le premier contribue à abrutir nos enfants et le second à les faire réfléchir !

Tout n'est peut-être pas perdu, puisque même l'Expansion, qu'on ne peut pas soupçonner d'être un magazine crypto-marxiste, défend l'idée selon laquelle il faut augmenter les salaires !

Auteur : Lionel Ancelet

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