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CC - Ol.v!er |
Comme tout groupe humain, une entreprise développe au fil du temps des codes internes : faut-il porter ou
non la cravate, s’appeler par son prénom ou par son nom, se tutoyer, répondre à
ses emails le week-end ? Cet ensemble de règles implicites constitue la culture d’entreprise. Si certains
comportements sont formalisés par le règlement
interne (par exemple, les codes vestimentaires des personnels en contact
avec la clientèle), la plupart restent des non-dits. Faut-il envisager de
mettre noir sur blanc cet ensemble de règles et, ainsi, de formaliser la culture d’entreprise ?
Avant de tenter de répondre à la
question, attardons-nous sur cette notion de culture. Pour Geert Hofstede,
psychologue spécialiste de l’interculturel, la
culture est une programmation collective de l’esprit. En effet,
contrairement à la personnalité,
ensemble de caractéristiques individuelles en partie innées, la culture est commune à un groupe d’individus,
et elle est acquise : l’enfant apprend de ses parents et de ses maîtres d’école,
le salarié de ses collègues, le croyant de ses coreligionnaires. Pour Clifford Geertz, anthropologue, la culture nous
sert à interpréter les expériences de notre vie (ce qui nous arrive), et à guider nos actions (donc, nos
décisions).
Plus généralement, la culture est
constituée d’un ensemble de valeurs,
de croyances, d’une vision du monde et de la vie, et se
manifeste par des comportements et
des artefacts. On ne s’habille pas
de la même façon dans une agence de publicité et dans une banque privée. Les
maisons et les jardins n’ont pas le même aspect dans une banlieue française ou
hollandaise. La culture est l’ensemble des particularités communes à un groupe,
qui fondent sa cohésion, et le différencient des autres groupes.
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CC - Steve Cadman |
Se pose alors la question :
d’où vient la culture ? Qui la définit ? Car, si l’on hérite l’essentiel
de notre culture de nos modèles (parents, professeurs, collègues, héros
contemporains ou historiques…), l’on en reste pas moins libre de remettre en
cause certains des codes culturels, qui évoluent, volens nolens, au fil du
temps : la Génération Y ne
partage plus exactement les mêmes croyances et les mêmes valeurs que la Génération X ou les Baby Boomers. Le débat lancé il y a
quelques années sur ce qui constitue l’identité (et donc la culture) française
l’a montré avec acuité : s’agit-il d’un idéal à préserver, ou d’un idéal à
atteindre ?
Faut-il donc formaliser la
culture d’entreprise en rendant explicite
ce qui était implicite ? Et
sous quelle forme ? Compte-tenu de ce qui précède, cela semble largement
inutile, voire nuisible. Inutile, car les nouveaux salariés savent spontanément
adopter les comportements dont ils
sont témoins chez leurs collègues, à
l’instar de cet ingénieur récemment recruté chez un équipementier automobile,
qui avait rapidement abandonné la cravate peu après son arrivée. A l’instar
aussi d’un Manuel Valls qui a progressivement adopté (peut-être inconsciemment !)
l’élocution de son Président depuis son accession au pouvoir exécutif, tant il
est vrai que la meute imite le mâle alpha…
Nuisible, aussi, car c’est alors
courir le risque de figer pour longtemps des comportements qui sont peut-être
pertinents à un moment donné de l’histoire d’une organisation, mais qui
pourraient fort bien cesser de l’être un jour. A l’image de la parabole des singes et de la banane,
il arrive que l’on se comporte d’une certaine manière « parce qu’on a toujours fait comme ça »…
tout en ayant oublié pourquoi ! Face aux turbulences de l’environnement socio-économique, grande est la
tentation de diminuer l’incertitude
en laissant de moins en moins de place au hasard (croit-on), et d’arriver ainsi
à une forme d’hyperstatisme nuisible
à plus ou moins long terme, à cause d’une culture d’entreprise fossilisée, sans
agilité.
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CC - Shemsu Hor |
Devons-nous pour autant « subir »
les codes de l’organisation sans les
questionner ? Pas nécessairement. En effet, mener une réflexion – en
y associant les salariés – de manière à identifier non seulement les
comportements quotidiens (port ou non de la cravate, tutoiement, horaires d’arrivée
et de départ…) mais aussi et surtout les croyances
et les valeurs associées (je suis un
bon petit soldat parce que je reste tard le soir…) permet à l’organisation de
développer une salutaire réflexivité
sur elle-même, et d’identifier les valeurs qui animent ses hommes et ses
femmes. Non pas des valeurs un peu creuses, plaquées d’en haut et placardées en
lettres d’or sur les murs du hall d’accueil de l’entreprise, mais des valeurs
définies, portées et partagées par les salariés eux-mêmes.
Auteur : Lionel Ancelet, consultant-formateur.
Photos: flickr.com (licence Creative Commons)
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