ABC Compétences

14 octobre 2011

La gueule de l'emploi, ou le contre-exemple parfait

Le hasard a voulu que j'écrive la semaine dernière un article sur les chartes de déontologie applicables aux métiers du recrutement, alors même qu'un documentaire appelé "La gueule de l'emploi" était diffusé sur France 2. Et ce documentaire était en quelque sorte un concentré de nombreux manquements possibles à l'éthique la plus élémentaire en la matière.

On y voyait une session collective de recrutement sur 2 jours, destinée à sélectionner les meilleurs candidats pour des postes de commerciaux, ou conseillers en prévoyance pour le GAN. Cette session était organisée par le cabinet RST Conseil. Suite à sa diffusion, ce documentaire a suscité un vif émoi. En d'autres termes, il a choqué beaucoup de monde, qu'il s'agisse de particuliers ou de journalistes, révoltés de voir comment des candidats pouvaient être traités, ou de certains recruteurs, comme Alain Gavand, horrifiés de voir l'image (pourtant déjà bien ternie auprès des candidats) que cela pouvait donner de cette profession.


Le premier moment fort de ce documentaire est un bel exemple de double contrainte. L'un des recruteurs annonce aux candidats que chacun va devoir vendre la candidature de son voisin. Pourquoi parle-t-on de double contrainte (parfois appelée aussi injonction paradoxale) ? Parce que chaque candidat est soumis à deux ordres contradictoires : (1) convaincre le jury qu'il est le meilleur vendeur... (2) en démontrant au jury que son voisin est le meilleur candidat pour le poste. Face à une injonction paradoxale, on ressent évidemment un malaise, ce que ne manquent pas de souligner les candidats interrogés dans le documentaire. La plupart échappent au paradoxe en désobéissant, c'est-à-dire en parlant sans conviction des qualités de leur voisin, qu'ils n'ont évidemment pas envie de vendre, puisqu'il est leur concurrent ! Certains vont même jusqu'à souligner avec plus ou moins de subtilité certains aspects supposés négatifs, comme l'âge des presque quinquagénaires... D'aucuns rétorqueront qu'un "bon commercial" (un concept qui mériterait d'être approfondi) doit pouvoir vendre n'importe quoi - y compris ce qu'il n'a pas envie de vendre. Mais si l'objectif imposé (vendre la candidature de son voisin) va à l'encontre de l'objectif personnel (se vendre soi-même), cette règle qui se veut de bon sens (encore que...) est-elle encore valide ?

Autre surprise : les candidats convoqués n'ont eu droit qu'à une description très succinte du poste pour lequel ils étaient mis en concurrence, si ce n'est qu'il s'agissait d'une "fonction commerciale" pour "vendre de l'assurance" au sein d'une "grosse structure". Peut-on sérieusement demander à un candidat de se vendre pour un poste dont il ignore à peu près tout ? Et dont il ne découvrira que très tard dans le processus que le salaire de base est... le SMIC ? Un entretien d'embauche n'est-il pas une opération de séduction réciproque lors de laquelle un candidat doit certes montrer qu'il est capable et qu'il a envie d'occuper le poste, mais le recruteur doit également convaincre et donner envie au candidat ? En parlant d'entrée de jeu de stress, de pression et de frustration, les recruteurs du documentaire annoncent certes la couleur, mais ne tablent-ils pas sur le fait que les candidats présents sont tellement aux abois qu'ils sont prêts à accepter n'importe quoi, aussi bien en termes de poste qu'en termes de méthodes de recrutement ?

On pourrait enfin s'étonner, voire s'indigner, de certaines remarques des recruteurs (du cabinet ou de l'entreprise)  à l'égard des candidats, comme "vous êtes très fébrile, vous avez les pieds qui s'agitent" ou "vous êtes d'origine grecque, mais là il va faire froid" (le poste est basé en région parisienne...) Ou encore "c'est dans votre naturel de ne pas comprendre, ou d'avoir quelques difficultés?"

Si l'on reprend le contenu des chartes de déontologie évoquées dans l'article précédent, les manquements à l'éthique sont donc particulièrement nombreux dans le comportement des recruteurs que l'on voit à l'oeuvre dans le documentaire. Reconnaissons leur tout de même deux aspects positifs : ils ne découvrent le CV des candidats que vers la fin du processus, afin de s'affranchir de tout préjugé basé sur le parcours, et ils ont convoqué des candidats dont l'âge couvre un large spectre (environ 25 à 50 ans).

Quelques jours avant d'être diffusé en France, ce documentaire a été diffusé en Belgique, sur la RTBF. Il a provoqué un tollé, au point d'inquiéter le GAN et RST Conseil, qui ont demandé à visionner les images, qu'ils soupçonnaient d'avoir eté manipulées par le réalisateur... mais il n'en était rien, et les inquiets ont même été rassurés par la véracité du documentaire (source : Le Monde). Suite à sa diffusion par France Télévisions, même tollé, cette fois-ci en France. La réaction du GAN, publiée sur son site web, propose l'hypothèse suivante : "Au vu des images, il apparaît que la présence des caméras a pu fausser l’attitude d'une partie de l’équipe formée par le cabinet de recrutement RST et les représentants de Gan Prévoyance." Comme Michel Audiard le faisait dire à l'un de ses personnages dans les Tontons Flingueurs : "la thèse est osée, mais néanmoins défendable". En effet, se pourrait-il que l'effet Milgram, ou plutôt sa déclinaison dans le contexte d'une émission de télévision (telle qu'illustrée dans le vrai-faux jeu télévisé Le Jeu de la Mort), ait incité les membres de l'équipe de recrutement à se comporter différemment, de manière peut-être plus agressive que d'habitude ? Si tel est le cas, on est en droit de se demander pourquoi ils ont été rassurés par le visionnage de la vidéo préalablement à sa diffusion sur France 2, et non pas ébranlés en revoyant de quelle manière ils s'étaient comportés face aux candidats, si leur attitude était faussée par la présence des caméras.

Enfin, si le GAN a publié une réaction officielle détaillée sur son site web, le cabinet RST Conseil observe un silence assourdissant sur le sien, où la publication la plus récente de la rubrique actualités remonte à... 2007. Et consiste (à l'heure où j'écris ces lignes) en un album photo du cocktail d'inauguration des nouveaux locaux.

Lionel Ancelet

Note : Rogers Teunkam, du cabinet RST Conseil, a répondu aux questions de Télérama sur le tournage et le montage de ce documentaire. Ses réponses fournissent un contrepoint intéressant au contenu de l'émission.








1 commentaire:

  1. Sachez que Mr Rogers Teunkam est un repris de justice, qui à effectué 2 ans de Prison à la maison d'arrêt d'Angers .
    La spécialité de Mr Rogers Teunkam:
    Agresser les jeunes filles du centre ville D'Angers pour leur voler leurs moyens de paiements (chéquiers ,cartes bleues) afin de pouvoir acquérir des costumes, car pour Mr Rogers Teunkam, l'habit fait le moine.

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